Episode 1: Arrivée, présentations.
Tout commence donc ici, une fin d’après-midi, au T.C.I. . La porte se déverrouille à l’aide d’un badge magnétique. Nous descendons les marches en direction de la « Galerie », celle des trois salles de spectacle qui est située en sous-sol. Dans les escaliers je suis Marion comme l’Alice de Lewis Caroll poursuit le Lapin Blanc toujours plus bas dans les méandres du terrier. Arrivée dans la salle. Là une dizaine de personnes, certaines évoluent sur scène, plus ou moins dans la lumière, d’autres affairées au premier rang avec des ordinateurs, d’autres assises dans la salle et qui semblent occupés à attendre. Tous en mode studieux et concentré. C’est une répétition. Si j’étais plus jeune, je serais intimidé. Paco Dècina assis, au milieu, vu de dos, est le seul ici à parler à voix haute. De sa voix, il marque le temps. Il veille à l’obscurité: « Quelqu’un pourrait fermer la porte »? Quelque part je vais m’asseoir, discrètement, à l’affût. Entre les sacs, les fringues, n’importe où. Dans le noir. Puis je fais l’éponge. Aujourd’hui malade et excusé: Jérôme avec son appareil photo (les images que l’on voit ici viennent donc d’un futur proche). Mais je ne suis pas seul : Marion et Jesus, toutes en sollicitudes et attentions, viennent m’entourer. A mi voix, me parlent technique et images vidéo. J’apprécie le geste, je perds vite le fil. A ce stade, c’est aussi intelligible que tout le reste. Ce n’est pas grave, on a le temps.
Pour ceux qui l’ignoreraient, Jesus Sevari est une chorégraphe et danseuse chilienne. J’ai vu, à Mains d’Oeuvres, Jesus interpréter sa propre création, Como Salir a buscar…. J’ai écrit à son sujet. Jérôme également, qui aussi l’a photographiée. J’ai vu à nouveau Jesus danser, dans la reprise d’As far As d’Alban Richard, dans cette salle même, en janvier dernier. Nous étions jusqu’alors dans la situation particulière de ces personnes qui se connaissent sans s’être jamais écrit ni rencontré. A l’instant c’est chose faite, et parfaite: on se fait la bise. Jesus sera l’une des sept interprètes, l’une des trois femmes, de Fresque.
Marion Franquet semble toujours tout à la fois concentrée, affairée, et ouverte à la discussion. Marion est responsable pour le T.C.I. des actions artistiques, et des relations avec le public. Elle est donc en relation avec moi. Marion a accueilli au Théâtre une réunion de bloggeurs en octobre dernier, au cours de laquelle j’ai évoqué mon envie d’écrire à propos d’une création. Sans alors penser spécifiquement à celle de Paco Dècina, en résidence ici pour la troisième année. Le texte qui se déroule maintenant est donc l’une des premières conséquences de cette rencontre. Sous l’impulsion de Marion. Parmi ses missions: faire venir le public ici en janvier et février pour les représentations de Fresque. Pour dix-sept représentations, ce qui est ambitieux s’agissant de danse contemporaine.
Je regarde, dans le désordre. Equipé du dossier de presse, de mon stylo et de mon moleskine. Des danseurs répètent, de courts, très courts, segments. Paco guide, ajuste. Toujours à haute voix, mais toujours à voix douce. A ce stade, je pourrais tout autant regarder s’affairer une équipe de travailleurs du bâtiment. C’est tout autant indéchiffrable. Avec d’abord la même impression de voir des personnes se déplacer mais sans jamais les voir travailler. Dans un second temps, je reconnais que le travail consiste ici précisément à accomplir des déplacements et des mouvements. Des gestes qui pour le moment, vu par fragments, ne me transmettent pas de sens: je ressens à la fois curiosité et frustration. Catherine Monaldi vient me saluer et m’évaluer dans un même élan. Catherine est l’administratrice de la compagnie, et tout ce qui va avec. Dans la vraie vie, moi aussi j’administre, mais pas des danseurs. Je ressens donc d’emblée une sympathie fonctionnelle pour Catherine. Au premier rang, on fait des essais vidéo avec les danseurs, qui cherchent leurs repères dans les lumières. Ce que Marion, ou Jesus, ou les deux, essayaient de m’expliquer tout à l’heure. Pour tester une technique, qui permet de capter leurs positions et mouvements, pour en imprimer et projeter les traces au mur, en noir et blanc. Ces réglages sont délicats. Comme tout ajustement entre la technologie et les danseurs. Je pense irrésistiblement à l’empreinte des corps de Pompéi dans les cendres. Le rapprochement était facile, mais je suis content de l’avoir fait tout seul, quand même. Mais c'est tout pour le moment.
Brèves présentations avec Paco. Puis c’est le début. C’est le début du filage, ce qui était l’objet, ou le prétexte, de cette première rencontre. Au bout de quelques minutes je crains d’être venu, intervenu, trop tard, beaucoup trop tard, pour écrire à propos de la création de Fresque….
A suivre…
Photos de Jerôme Delatour, a voir en intégralité sur Images de danse.
Merci à Paco Dècina et à la compagnie Post-Retroguardia, et au T.C.I., ainsi que, pour leurs relectures, à Sarah Barreda et Jérôme Delatour.
Le prochain épisode est diffusé ici, vendredi 22 novembre.